[Film] Style Wars

Publié le par Swen

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New York, 1982.

 

Un train s’avance dans la nuit, lentement. Ses phares éclairent un wagon, coloré et couvert de graffitis. L’atmosphère est lugubre. Sous les rails, la misère prend la forme de détritus jonchés le long de ruelles sombres et inquiétantes. Le contraste est saisissant, la pauvreté jurant avec la liberté esquissée par les graffitis. Sur fond de musique HipHop, commence alors la chronique d’un New York des années 80, rongé par les dissidences raciales et la pauvreté. Alors que beaucoup considèrent le grafiti comme un art, d’autres l’envisagent tel un acte répressible à éradiquer. Moyen d’expression s’il en est, le graffiti permit à ses activistes d’exister, de se faire connaître et surtout de se faire comprendre le temps d’une peinture, leurs armes prenant la forme de simples formes géométriques.

Le MC combat face au micro, pour les breakdancers, ce combat se fait au sol. Pour les graffeurs, il se fait sur le métro.

Fab 5 Freddy, légende du graffiti à un jour dit : «  Une culture, pour être complète, doit avoir un art visuel, une musique et une dance ».

C’est essentiellement sur l’aspect visuel que se focalisera Style Wars.

 

Depuis son apparition, le graffiti a toujours été un fléau pour les autorités locales. Selon Edward Koch, maire de New York, les tags coûteraient un million de dollars à la ville et détruiraient la qualité de vie des habitants de la Big Apple. Rien que cela. La réaction est progressive et graduée. Le graffeur récidiviste encoure alors 5 ans de prison après la troisième infraction.  

Des barbelés sont édifiés atour des gares pour tenter de protéger les wagons des grafitis. Certains sont entièrement repeints, et couverts d’une matière toxique pour dissuader les « délinquants » de s’en approcher. La caméra de Tony Silver nous emmène ensuite dans le métro où sont interviewés divers usagers. Tous semblent issus d’une classe aisée de la population et s’accordent sur un point : le graffiti est du vandalisme.

Les politiques anti-graffiti se multiplient, des publicités mettant en scène des personnalités du monde de la chanson ou de la boxe font leur apparition dans les médias. «  Posez votre marque dans la société, pas sur la société ».

Le documentaire s’attarde alors sur la relation entre une mère et un fils, le choc des générations s'illustrant par une incompréhension totale. Le plus jeune affirme qu’il continuera de « Bomb » tout ce qu’il pourra, qu’importent les barrières qui se dresseront sur son chemin. A l'image de cette mère et de son fils, les têtes brûlées s‘opposent à ceux qui tentent de réprimer ce qu’ils ne peuvent contrôler.

 

 « Je n’arrive pas à imaginer qu’un adulte mette autant d’énergie dans un truc qui ne rapporte rien ou il risque sa vie ou courre le risque de se faire arrêter ».

 

Des gosses, les yeux mi-clos, l’élocution laborieuse parlent à la fois avec passion et désinvolture de leur art. Certains s’investissent sérieusement, aspirant à devenir les nouveaux Picasso des temps modernes, attirés par une forme nouvelle de pouvoir. D’autres entendent simplement se révolter contre un système qui les contraint trop souvent au mutisme. Tous pourtant, à leur façon, ont contribué à façonner la culture HipHop d’une manière qu’ils ne pouvaient alors imaginer. C’est de leur héritage dont il est question ici.

Les images de graffiti se succèdent, les techniques se mélangent, d’autres se distinguent. Alors que Seen, l’un des pionniers a construit sa légende en apposant sur les wagons des personnages de dessins animés, varie et colore beaucoup ses graffitis, TAKI lui inscrit son nom partout, la quantité prenant parfois le pas sur la qualité. Suivront entre autres Pablo 124, STITCH ou EVA62.

A l’époque, tous ces activistes pensaient que le mouvement allait perdurer, plein d’espoir et d’insouciance qu’ils étaient. Plus que les divergences d’opinions et de styles, c’est la pérennité de l’art qui est important par-dessus tout. Ainsi, quand elle se sent menacée par un graffeur qui détruit leurs oeuvres, la communauté se rassemble et tente de trouver une solution collective au problème. Progressivement, le phénomène s’étend aux couches plus aisées de la société, puisque les Blancs s’y convertissent également, en même temps que les journalistes et les médias qui s’intéressent de plus près à cette nouvelle tendance de la rue. Le grafiti n’est alors plus l’apanage exclusif des Noirs ou des Latinos. Le mouvement est multiculturel et contagieux.

Des souterrains, aux cages d’escaliers en passant par les quartiers chics et les clubs, le grafiti commence à se démocratiser et à être considéré comme une forme d’art à part entière, à l’image du Pop Art à son époque.

Cette reconnaissance va malheureusement de  pair avec les intentions lucratives de leurs auteurs.  Le système est alors perverti et commence quelque peu à décliner, s’étant éloigné de ses origines, la rue.

Comme le Rap dîtes-vous ?

 Le concept d’affrontement entre les styles est et sera éternellement la clé de ces mouvements, qu’ils soient musicaux, visuels ou corporels.

Ainsi, quand la breakdance prend le pas sur le graffiti, nous sommes entrainés au cœur des fameuses joutes entre les Rock Steady Crew et les Dynamic Rockers ou la suprématie et l’honneur se mesurent sur les pistes de danse. S’enchainent les mouvements au sol avec une facilité et une aisance déconcertante, les danseurs entourés d’une foule hystérique. Du métro aux pistes de danse,persiste la même rage, la même envie de batailler pour exister. On ressent alors de véritables similitudes entre le Rap, le graffiti et la breakdance. En se centrant essentiellement sur un seul des éléments du mouvement, le documentaire arrive à écrire l’histoire des deux autres.

 

Ainsi, Style Wars, c’est l’histoire d’une culture capturée avant qu’elle ne s’envole vers les sphères du grand public. C’est un regard concret, honnête et toujours critique sur les débuts de la culture HipHop. Le témoignage d’Henry Chalfant et de Tony Silver, appuyé par des dizaines d’interviews et d’images d’archives est d’autant plus authentique et convaincant.

 

Je finirai en citant Krs One : « Si vous voulez comprendre le HipHop, regardez le film intitulé Style Wars » 

On ne saurait contredire le Teacha !

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